COMMENTAIRES SONORES EN REGARD DE
"SUIVRE LE MOUVEMENT DE L'OMBRE" D'HENRI OLIVIER
"Henri Olivier interroge la perception de la nature dans l'art et inversement. J'ai découvert quelques unes de ses œuvres à la Galerie des Ponchettes, à Nice, dans une atmosphère blanche, baignée de néon et d'eau. C'est cette impression première que j'ai voulu mettre en son avec une dualité de l'artifice et du naturel : une réflexion et une perturbation hypothétique de la quiétude qui émane de ses œuvres. Son questionnement sur l'étreinte, à priori impossible, de l'ombre et de la ligne d'horizon sont les prétextes à ce jeu de correspondance sonore, en écho subjectif et symétrique. En voici quelques éléments : L'une des premières paroles que nous avons échangées tournait autour du caractère "sacral" du ronflement d'un vidéo projecteur. Le bourdon, le chant, le (basso) continuo, la résonance, le flux : c'est le contraire de la structure rythmique. Cette forme peut-être lumineuse ou obscure, voire les deux à la fois. J'ai souvenir d'avoir ressenti des sensations de l'ordre du naturel en écoutant des sons pourtant synthétiques chez Franck Vigroux ou Éryck Abécassis. L'altération de nappes sonores, "carbonisées" en overdrive, répondent aux "médiums brulés" avec des imbrications de sons où la clarté des hautes fréquences ne peut se départager des basses qui collent à leur moindre évolution. L'horizon est une droite ("relative" dit-il). Peut-on alors s'affranchir de la complexité d'une virtuosité pour considérer simplement un horizon dans ses infimes variations.
A côté de la ligne de néon tranquille, il y a dans certains de ses tableaux le travail de l'acide sur le métal comme l'encre d'une calligraphie de noms de plantes ou de chiffres, tenace, régulière et aquatique. C'est la persistance d'une empreinte dont le rayonnement se diffuse. Si je joue avec le nombre d'or (néon), comme miroir, il devient 8,161 : je définis ainsi une unité de mesure arbitraire, de durée, de silence ou d'intervalle. Horizontales 1 et 5 contiendront 40 de ses décimaux battus en bois ou en peau de bodran, selon ce principe. A côté d'une sculpture en relation avec son environnement, il y a des sons, sur le fil d'une continuité ou d'une rupture. L'artifice surgit d'où on ne l'attend pas. Il devient une voie, l'instrument d'une expression naturelle. Les choix de timbres et de nuances sont si arbitraires et si définitifs. Les questions de voix et de sens sont au zénith d'une ubiquité du contraste et de l'accord. Comment rester muet devant les forces qui s'agitent dans le "film de l'ombre" ? La danse du tissu sur le gravier, le pixel du film qui anime doucement une surface lumineuse neutre, l'insecte qui passe une fois et reviendra plus tard en inversé… D'Emmanuel Terray je saisis la question : « Qu’est-ce qu’une ombre ? […] elles peuplent la distance qui nous sépare de la réalité ; plus exactement, elles produisent cette distance ; elles creusent jour après jour cet écart ténu qui soustrait à la nécessité, qui nous conserve un avenir imprévisible et qui est donc pour nous condition de la vie comme de la liberté. » (Ombres berlinoises) De Gilles Clément je m'empare de l'énoncé qui dit que «Si la masse ombre-lumière semble couvrir tout le territoire elle ne le révèle pas dans son entier. » (Manifeste du Tiers Paysage)"
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